En 2025, la protection sociale des travailleurs indépendants, dont les artisans et commerçants franciliens, continue de se transformer sous l’effet des réformes, de la crise économique et des mutations du marché du travail. Le dernier rapport du CPSTI (Conseil pour la Protection Sociale des Travailleurs Indépendants), publié en décembre 2025, dresse un bilan complet des cotisants, de leurs revenus, et des prestations sociales qui leur sont versées.
Avec plus de 4,8 millions de travailleurs indépendants en France, dont 66 % d’auto-entrepreneurs, et une hausse record des créations d’entreprises en 2024, ce panorama offre des enseignements précieux pour les acteurs de l’artisanat et du commerce en Île-de-France. Focus sur les chiffres clés, les tendances et les dispositifs à connaître pour sécuriser son activité et anticiper l’avenir.

Un paysage dynamique, mais contrasté
Fin 2024, la France comptait 4,8 millions de travailleurs indépendants, dont 4,4 millions relevant du régime social des indépendants (hors praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés). Parmi eux, 34 % sont artisans, 32 % commerçants, et 21 % exercent une activité libérale non réglementée. L’Île-de-France, terre d’entrepreneuriat, concentre une part importante de ces effectifs, avec une croissance soutenue des auto-entrepreneurs (+8,6 % en 2024), tandis que les travailleurs indépendants « classiques » progressent plus modestement (+1,6 %).
Les créations d’entreprises ont atteint un niveau record en 2024, avec 897 115 nouvelles immatriculations (+2,9 % par rapport à 2023), dont 85 % en auto-entreprise. Cette dynamique reflète l’attrait pour les statuts flexibles, mais aussi les difficultés persistantes dans certains secteurs, comme la fabrication ou le BTP, où les revenus moyens des indépendants ont reculé en 2024.
Revenus et précarité : des disparités marquées
Le revenu moyen des travailleurs indépendants « classiques » a diminué de 0,7 % en 2024 (en valeur nominale), avec des écarts importants selon les métiers :
- 28 600 € pour les artisans,
- 31 280 € pour les commerçants,
- 68 550 € pour les professions libérales,
- 28 170 € pour les professions libérales non réglementées.
Près de deux tiers des cotisants ont des revenus inférieurs au Smic, et 16 % déclarent des revenus nuls ou déficitaires. Les auto-entrepreneurs, dont le revenu moyen s’élève à 7 640 € (hors revenus nuls), sont particulièrement exposés à la précarité, avec 32 % de revenus nuls ou non déclarés.
Protection sociale : des avancées, mais des défis persistants
Assurance maladie et maternité
Les dépenses de soins de ville remboursées aux travailleurs indépendants ont progressé de 3,8 % en 2024, pour atteindre 4,7 milliards d’euros. Cette hausse s’explique par l’augmentation du nombre de consommants de soins (+1,8 %) et la revalorisation des prestations. Les indemnités journalières pour maladie ont également bondi de 6,2 %, grâce à l’élargissement du dispositif aux professions libérales depuis 2021.
Les prestations liées à la maternité et la paternité ont augmenté de 9,7 %, avec 24 594 femmes bénéficiaires de l’allocation de repos maternel et 19 754 assurés ayant perçu des indemnités pour congé de paternité.
Retraite : des pensions en hausse, mais des inégalités
Les pensions de retraite de base ont progressé de 6 % en 2024, grâce à la garantie minimale de pension et à la revalorisation légale. 2,3 millions de retraités ont perçu une pension liée à une carrière d’indépendant, avec un montant moyen de 1 033 €/mois (1 124 € pour les hommes, 926 € pour les femmes).
Le régime complémentaire (RCI) a versé des pensions à 1,5 million de bénéficiaires, pour un montant moyen de 137 €/mois. Malgré cette progression, les écarts de pension entre hommes et femmes restent importants, avec un gender gap de 17,6 %.
Invalidité et décès : une protection renforcée
Les prestations d’invalidité et de décès ont atteint 341,1 millions d’euros en 2024, avec 32 513 assurés invalides bénéficiant d’une pension moyenne de 864 €/mois. Les capitaux-décès versés ont augmenté de 30,4 %, pour un montant total de 39,5 millions d’euros.

Action sanitaire et sociale : un filet de sécurité essentiel
Le CPSTI a versé 52 millions d’euros d’aides individuelles et collectives en 2024, dont :
- 32,1 millions d’euros pour l’aide aux cotisants en difficulté (ACED),
- 14,7 millions d’euros pour l’aide financière exceptionnelle (AFE),
- 2,1 millions d’euros pour l’accompagnement au départ à la retraite (ADR).
Ces dispositifs, bien que moins sollicités qu’en 2023, restent cruciaux pour soutenir les indépendants en difficulté, notamment dans les secteurs les plus touchés par la crise.
Perspectives pour l’Île-de-France : quels leviers pour les artisans et commerçants ?
Face à ces constats, plusieurs pistes peuvent être explorées pour renforcer la résilience des travailleurs indépendants franciliens :
- Accompagner la transition vers l’auto-entrepreneuriat : renforcer l’information sur les droits et les aides disponibles, notamment pour les jeunes et les femmes, qui représentent 39 % des cotisants.
- Lutter contre la précarité des revenus : développer des dispositifs de formation et d’accompagnement pour améliorer la rentabilité des petites entreprises, en particulier dans les secteurs en tension (BTP, commerce de détail).
- Sécuriser les parcours de retraite : informer sur les droits à la retraite anticipée (14,6 % des retraités indépendants en ont bénéficié) et les compléments de pension (31 % des retraités perçoivent le minimum contributif).
- Renforcer l’accès aux soins : poursuivre la sensibilisation sur les droits à l’assurance maladie et aux indemnités journalières, encore méconnus des professions libérales.
Les chiffres 2024 du CPSTI soulignent à la fois la vitalité de l’entrepreneuriat indépendant en France et les fragilités persistantes, notamment pour les artisans et commerçants. En Île-de-France, où l’artisanat et les TPME jouent un rôle clé dans l’économie locale, ces données doivent servir de base pour renforcer l’accompagnement des indépendants, sécuriser leurs revenus et garantir leur protection sociale. À l’heure où les défis économiques et sociaux se multiplient, une action collective des acteurs publics, des fédérations professionnelles et des caisses de sécurité sociale est plus que jamais nécessaire pour préserver ce pilier de notre économie de proximité.

Commentaires récents